Cette fois, j'ai eu peur
On me demande souvent pourquoi j'ai fait ce métier.
Il y a bientôt 10 ans, lorsque pendant mon année de maîtrise, j'ai annoncé que je voulais devenir Huissier de Justice, j'ai tout entendu. Que c'était pire qu'inspecteur des impôts. Qu'il fallait avoir tué père et mère pour faire un métier pareil. Que je ferais mieux de faire magistrat.
Deux ans plus tard, examen professionnel en poche, j'ai décidé de ne pas m'installer immédiatement. De faire mes armes d'abord.
Depuis, j'exerce au quotidien ce métier qui me plait. Donner force et mettre à exécution les décisions rendues dans les tribunaux français. Recouvrer les sommes dues à des gens que la justice de notre pays a reconnus comme créanciers. Une manière de contribuer à la justice. La rendre effective.
La pire chose qui soit serait que les décisions ne soient plus exécutées. Alors c'est la justice elle même qui serait bafouée. Mais exécuter ne veut pas dire violenter. Contrainte ne veut pas dire assujettissement. J'ai une haute estime de ce métier.
Officier Ministériel. Deux mots lourds de sens. On ne fait pas ça n'importe comment. On doit en être digne.
Depuis plusieurs années maintenant je suis en outre habilitée, après avoir prêté serment, à établir des Procès-Verbaux de constat. Sur tout. Même des choses que vous n'imagineriez pas. Les clients sont inventifs. Un jour je vous en parlerai.
Aujourd'hui, ce devait être un simple état des lieux. La routine du constat. Pourtant, pour la première fois depuis toutes ces années, je me suis retirée sans aller au bout de ma mission.
J'ai eu peur.
Ça partait mal dès le début. Mon interlocuteur était désagréable. Insultant. Mais ce n'est pas si rare.
Sauf qu'il est devenu véhément. Il s'est mis à crier. A s'approcher. A me toiser. A me crier/hurler dessus. A m'insulter. A s'approcher. A quelques centimètres de moi. Il était plus grand. Plus costaud. Et se tenait entre la porte et moi. J'ai eu peur. Alors en essayant de rester calme, je l'ai contourné. Et je l'ai informé que je ne pouvais pas continuer.
Je suis partie.
Aujourd'hui, pour la première fois dans l'exercice de mon métier, j'ai eu peur.