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[entretien] : Avocat Pénaliste

22 Janvier 2013 , Rédigé par Naddie Publié dans #Entretiens

L'avocat pénaliste, entre fictions et actualités, génère de nombreux fantasmes !

 

@MaitreRuban a accepté de me parler de son quotidien, avec sincérité et passion !

 

Quel est ton métier ?


Je suis avocat, activité dominante (et quasi exclusive !) : droit pénal, que ce soit en défense (je défends plein de méchants) ou en partie civile (j'assiste aussi plein de victimes). je suis convaincue que pour être bon d'un coté, il faut connaitre les rouages de l'autre !

 


Depuis combien de temps exerces-tu ce métier ? 


J'ai fété mes 10 ans de barre en janvier dernier

 


Vocation, hasard ? Pourquoi cette carrière ? 

J'ai toujours voulu faire du droit, je crois que dès la 5ème, j'étais fixée. Le choix entre avocat et magistrat s'est décidé à l'occasion de stages en cabinet. J'ai aimé le contact avec la clientèle et j'ai eu peur que cet aspect me manque si je devenais juge.

 

A quoi ressemble une journée ? 


Aucune de mes journées ne ressemble à celle de la veille. Je peux assurer des audiences, dans le Tribunal de ma ville ou ailleurs en France, l'avocat pénaliste n'étant absolument pas limité géographiquement dans ses domaines d'intervention. Je peux assister mes clients en  interrogatoires ou en confrontations chez un Juge d'Instruction, participer à une reconstitution de crime, visiter mes détenus en prison, travailler à mon cabinet, faire des démarches auprès des juges pour connaitre l'état d'avancement d'un dossier... Mais en revanche elles commencent toutes par un p'tit café ou un thé à la menthe, que ce soit au cabinet ou à la machine à café du Palais !

 


Qu'est-ce qui te plaît, qu'est-ce qui te pèse ?


La diversité de mes activités est vraiment le point fort de ma profession avec le contact clientèle. En droit pénal plus encore que dans les autres banches du droit, les gens nous confient une partie importante de leur vie. Quand on a la liberté d'un homme au bout de notre plaidoirie ou quand on doit assister des victimes, les familles dans les dossiers de meurtre par exemple, c'est une vraie relation au long cours qui se noue. Un dossier criminel se traite en 18 mois, parfois plus, et pendant tout ce temps, on devient l'interlocuteur privilègié de nos clients, de leur famille, on les assiste, on les épaule, on les rassure, on les défend, au sens le plus noble du terme, tout simplement.

 


Une anecdote, un souvenir particulier ? 


Chaque plaidoirie devant une Cour d'assises apporte son lot d'anectodes... Chaque renconre avec un nouveau client est une nouvelle aventure humaine. Lors de mes premières Assises, la victime mesurait 1,70m et avait basculé par dessus la balustrade d'une fenètre. Le Président m'a demandé si je faisais la même taille que la victime et m'a demandé de me positionner près de la barre des témoins pour que les jurés visualisent la scène. J'ai juste du enlever mes chaussures à talons pour être à la bonne taille... Et j'ai fini pieds nus, en chaussettes, devant la Cour et les jurés, au centre de cette immense salle... Heureusement qu'elles n'étaient ni percées ni dépareillées ! Pour un baptême du feu, ça commençait fort !

 


Est-ce un métier difficile à assumer ? Quelles sont les réactions quand tu l'évoques ?


C'est un métier magnifique que je suis très fière d'exercer. Je n'ai absolument aucun mal à l'assumer, même quand je suis en défense, mais je dois sans cesse l'expliquer. Les gens comprennent qu'on défende des victimes mais demandent systématiquement :" Mais comment fais-tu pour défendre des méchants ?? T'as déjà rencontré un violeur d'enfant ? et avec un assassin, t'as pas peur ?"... Je dois expliquer que mon métier n'est pas de rendre innocents des coupables, de faire libérer à tout crin des fous dangereux, ou de mentir pour sauver mon client pourri ! Mon métier, c'est expliquer, dépassionner, poser les choses pour que mon client soit justement condamné pour ce qu'il a fait, en fonction de ce qu'il est et de ce qu'il va devenir. Un homme de 30 ans qui a commis un crime a certainement été un type bien durant 29 ans et 364 jours. Qu'est ce qui l'a amené de l'autre coté de la ligne blanche ce jour là ? Qui était il avant ? comment en parlent ses parents, son épouse, ses enfants ? Que deviendra-t-il quand il aura purgé sa peine, méritée, et qu'il ressortira ? Si on écoute ses tripes et ses émotions, tous les criminels devraient finir en prison à vie. Mon métier, c'est justement d'expliquer que non. Mais parfois c'est inévitable, et mon métier c'est alors que mon client comprenne la sanction. L'idée finalement, c'est que quand j'enlève ma robe, mon client, victime ou auteur,  soit satisfait du verdict obtenu, sans sentiment d'injustice, qu'il ai compris le sens de la justice. Mais c'est difficile de porter le malheur des autres et il faut beaucoup de recul pour pouvoir, le soir, retrouver son mari et ses enfants et laisser derrière soi, jusqu'au lendemain, la noirceur qui transpire de chacun de mes dossiers

 


Avec le recul, tu re-signes ? 

 

Je signe et re-signe, sans la moindre hésitation. Le jour où je n'aurai plus la foi et/ou l'énergie que ce métier demande, le jour où je ne serai plus assez forte pour épauler et soutenir mes clients, le jour où je manquerai de recul et où le malheur des autres sera trop difficile à gérer, ce jour là j'arreterai. Mais ce jour là n'est pas prêt d'arriver !!!! Mes victimes peuvent compter sur mon soutien encore longtemps, et mes vilains méchants sur ma défense !

 

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A
En voilà bien un bel exemple pour tous les avocats pénalistes. Tout geste effectué avec assurance et amour du travail. Mais toujours se mettre à la côté du vrai justice.
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